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Je défie tous les Juvénal, tous les Victor Hugo de la terre, de trouver rien de plus fort que cette boutade de M. de Girardin.

VI

Résumons-nous maintenant, et de ce qu’il nous est permis d’affirmer avec certitude des mœurs dans l’individu, concluons ce qu’elles doivent être de lui à la société, à peine de négation de la société ; conséquemment, à quelles conditions il peut exister pour notre espèce une science des mœurs.

D’après nos définitions, tout sujet a nécessairement des mœurs, comme il a des facultés et des passions. (Déf. 1er).

Ces mœurs forment l’essence du sujet ; elles constituent sa dignité, elles sont le gage et la loi de son bien-être. (Déf. 2, 3 et 4).

Les mœurs sont donc tout à la fois dans le sujet réalité et idée : réalité, puisqu’elles ne sont autre chose que le sujet même considéré dans la généralité de son essence et dans l’exercice de ses facultés (Ax. 6) ; idée ou rapport, puisqu’elles résultent de la communion du sujet avec la nature et les autres êtres. (Déf. 1 et 2.)

Par les mêmes motifs, les mœurs expliquent le sujet (Ax. 4) : elles rendent raison de son organisme, de ses facultés, de ses passions, de ses vertus et de ses vices, de ses joies et de ses tristesses, de ses corruptions et de ses amendements ; elles donnent le premier et le dernier mot de l’être, et qui ne connaîtrait pas les mœurs de l’homme, eût-il d’ailleurs la plus parfaite connaissance de son organisme, ne saurait rien de l’homme.

Ce n’est pas tout. Le sujet, en tant qu’être moral, se sait et se sent ; il a l’instinct, l’intuition, la connaissance de sa loi ; il l’affirme, il la veut, il y adhère avec amour ; il a la certitude intime que par elle et par elle seule il peut être heureux, et il tend de toute l’énergie de sa volonté