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Pour résoudre cette contradiction une voie se présente, une seule, indiquée par le sens commun, et sur laquelle la multitude humaine et la majorité des législateurs sont d’accord : c’est de subordonner l’intérêt individuel ou du plus petit nombre à l’intérêt du plus grand, la dignité personnelle à la dignité sociale.

Cette subordination constituerait la Justice.

Ainsi la dignité individuelle formerait le premier degré de la moralité humaine ; la dignité sociale, soit la Justice, formerait le second. La première étant subordonnée à la seconde, il s’ensuivrait que tandis que la dignité individuelle, limitée par l’égoïsme, trouve sa raison en soi et son bonheur dans le respect de ses prérogatives, sa peine dans leur violation ; la Justice vient rompre cet ordre, et mettre le sujet au supplice en s’imposant à lui avec un caractère de coercition qui peut aller jusqu’à exiger le sacrifice de la vie, et ne souffre ni réclamation ni négligence. En sorte que la dignité individuelle ne subsiste, et l’homme n’a de félicité, qu’autant que lui en laisse la société dont il fait partie.

Tel serait le Droit, exclusivement social dans son principe, et tel le Devoir, exclusivement personnel. Ils signifient l’un et l’autre, que si le soin de la prérogative personnelle, si la satisfaction des besoins et des affections qui composent notre vie n’a rien en soi de mauvais, puisqu’elle est donnée par la nature même, elle n’a rien non plus, au for intérieur, d’obligatoire, attendu qu’elle se résout dans l’égoïsme et relève seulement du franc arbitre ; mais qu’il en est autrement de la prérogative sociale, antithèse de la personnalité, qui, loin de se soumettre aux décisions de l’égoïsme, s’impose à lui, coûte que coûte, d’autorité.

Ici se dressent des questions formidables.

L’homme est libre, égoïste par nature, je dirai même