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R. — Pure équivoque. La France, par son esprit, est au-dessus de toute idolâtrie, politique et religieuse : c’est la plus libre des nations, la seule libre. Mais elle place la Justice encore au-dessus de la liberté ; et c’est cette recherche du droit, commencée dès avant Jules-César, qui a suspendu tant de fois dans ce pays la liberté politique. Le peuple français cherche la loi. Dites-lui la loi, vous verrez s’il est libre.

D. — Quel a été, jusqu’à présent, le plus grand acte de la Révolution ?

R. — Ce n’est ni le serment du jeu de paume, ni le 4 août, ni la Constitution de 91, ni le jury, ni le 21 janvier, ni le calendrier républicain, ni le système des poids et mesures, ni le grand livre. C’est le décret de la Convention du 10 novembre 1793, instituant le culte de la Raison. De ce décret est émané le sénatus-consulte du 17 février 1810, qui, en réunissant l’état du pape à l’empire, déchira pour toute l’Europe le pacte de Charlemagne.

D. — Quel sera le plus grand acte de la Révolution dans l’avenir ?

R. — La démonétisation de l’argent, dernière idole de l’Absolu.

D. — La République organisée selon les principes de l’économie et du droit, croyez-vous l’État à l’abri de toute agitation, corruption et catastrophe ?

R. — Assurément, puisque, grâce à la balance universelle, n’étant plus possible à âme qui vive de s’approprier, par violence ou par adresse, le travail d’aucun, le crédit et la force de tous, l’édifice politique ne peut plus s’écarter de la perpendiculaire : il est assis de niveau ; il a conquis ce qui lui manquait auparavant, la stabilité.

D. — L’humanité est avant tout passionnelle : que sera sa vie quand elle n’aura plus ni princes pour la mener à la guerre, ni prêtres pour l’assister dans sa piété, ni grands personnages pour entretenir son admiration, ni scélérats ni pauvres pour exciter sa sensibilité, ni prostituées pour assouvir sa luxure, ni baladins pour l’amuser de ses cacophonies et de ses platitudes ?

R. — Elle fera ce que dit la Genèse, elle s’occupera de parer