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la place de la féodalité nobiliaire, recrudescence de l’esprit ecclésiastique et retour aux pratiques du droit divin ; dans le gouvernement, substitution du système à bascule à la pondération des forces, concentration aboutissant au despotisme, développement monstrueux de la force militaire et de la police, continuation de la politique machiavélique, destruction de la Justice par la raison d’État, et, pour conclure, révolutions de plus en plus fréquentes.

D. — Qu’appelez-vous système à bascule ?

R. — La bascule, nommée aussi doctrine, est en politique ce qu’est la théorie de Malthus en économie. Comme les malthusiens prétendent établir l’équilibre dans la population en entravant mécaniquement la fonction génératrice ; de même les doctrinaires font l’équilibre du pouvoir par transpositions de majorité, remaniements électoraux, corruption, terrorisme. La machine constitutionnelle, telle qu’on l’a vue fonctionner depuis 1791, avec ses distinctions de chambre haute et chambre basse, de pouvoir législatif et exécutif, de classes supérieures et de classes moyennes, de grands et petits colléges, de ministres responsables et de royauté irresponsable, était fatalement un système à bascule.

D. — On ne saurait exposer mieux, en ce qui touche la réalité de l’être social, la pensée intime de la Révolution. Mais la Révolution est aussi, elle est surtout la liberté : dans ce système de balances, que devient-elle ?

R. — Cette question nous ramène à celle de la pondération des forces, que nous venons de soulever.

De même que plusieurs hommes, en groupant leurs efforts, produisent une force de collectivité supérieure, en qualité et intensité, à la somme de leurs forces respectives ; de même plusieurs groupes travailleurs, mis en rapport d’échange, engendrent une puissance d’un ordre plus élevé, que nous avons considérée comme étant spécialement le pouvoir social.

Pour que ce pouvoir social agisse dans sa plénitude, pour qu’il donne tout le fruit que promet sa nature, il faut que les forces ou fonctions dont il se compose soient en équilibre. Or, cet équilibre ne peut être l’effet d’une détermination arbitraire ;