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découvre la pensée philosophique ; voilà, pour la constitution de l’ordre à venir, le fruit de tant de déceptions et de douleurs.

D. — C’est la paix perpétuelle que vous annoncez après tant d’autres ; mais ne pensez-vous pas que la guerre, ayant son principe dans les abîmes insondables du cœur humain, la guerre que toutes les religions préconisent, qu’un rien suffit à engager, comme le duel, soit incoercible, indestructible ?

R. — La guerre, dans laquelle le chrétien adore le jugement de Dieu, que de soi-disant rationalistes attribuent à l’ambition des princes et aux passions populaires, la guerre a pour cause le défaut d’équilibre entre les forces économiques, et l’insuffisance du droit écrit, civil, public et des gens, qui leur sert de règle. Toute nation en qui la balance économique est violée, les forces de production constituées en monopole, et le pouvoir public livré à la discrétion des exploitants, est, ipso facto, une nation en guerre avec le reste du genre humain. Le même principe d’accaparement et d’inégalité qui a présidé à sa constitution politique et économique la pousse à l’accaparement, per fas et nefas, de toutes les richesses du globe, à l’asservissement de tous les peuples : il n’y a pas dans le monde de vérité mieux établie. Que l’équilibre se fasse donc, que la Justice arrive, et toute guerre est impossible. Il n’y a plus de force pour la soutenir ; ce serait supposer une action du néant contre la réalité, une contradiction.

D. — Vous expliquez tout par des forces collectives, par leur diversité et leur inégalité, par leur aliénation, par le conflit que cette aliénation soulève, par leur tendance insensible, mais victorieuse, grâce au concours d’une indéfectible Justice, à l’équilibre. Quelle part d’influence faites-vous, dans les événements humains, à l’initiative des chefs d’États, à leurs conseils, à leur génie, à leurs vertus et à leurs crimes ? Quelle part, en un mot, au libre arbitre ?

R. — C’est un prêtre qui l’a dit, L’homme s’agite, et Dieu le mène. L’homme est le vouloir absolu, d’abord inexpérimenté, à qui est promis l’empire de la terre ; Dieu est la législation sociale, que crée à son insu ce vouloir indompté, par son rapport avec lui-même. La part de l’homme dans l’action histo-