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Ces constitutions reposent toutes sur l’idée préconçue que la société ne marchant pas seule, ne possédant en soi ni virtualité ni harmonie, la puissance de même que la direction lui venant d’en haut, par l’intermédiaire d’une dynastie, d’une église ou d’un sénat, on ne pouvait user de trop de prudence dans l’organisation du pouvoir, le choix du prince, l’élection des sénateurs, les formalités législatives et administratives, la juridiction, etc.

D. — Laquelle de ces formes gouvernementales préférez-vous ?

R. — Aucune : à part ce qu’elles tiennent de la nature des choses, et qui fait d’elles l’expression du génie des peuples, leurs défauts sont les mêmes ; et c’est pourquoi l’histoire les montre se supplantant continuellement l’une l’autre, sans que la société puisse trouver nulle part la stabilité.

Consécration du principe d’inégalité par le défaut de balance dans les transactions économiques ;

Appropriation des forces collectives ;

Établissement d’un pouvoir factice à la place du pouvoir réel de la société ;

Abolition de la Justice par la raison d’État ;

La direction livrée à l’arbitraire du prince, si l’État est monarchique, et dans toute autre hypothèse aux cabales des partis ;

Tendance continuelle à l’absorption de la société par l’État.

Voilà, pendant la période préparatoire, sur quels fondements est constitué l’ordre politique, quelque dénomination qu’il prenne et quelques prétendues garanties qu’il se donne.

D. — Qui dit démocratie, cependant, dit rétablissement de la nation dans la propriété et jouissance de ses forces : d’où vient que vous condamnez cette forme de gouvernement comme les autres ?

R. — Tant que la démocratie ne s’est pas élevée à la vraie conception du pouvoir, elle ne peut être, comme elle n’a été jusqu’à ce jour, qu’un mensonge, une transition honteuse et de courte durée, tantôt de l’aristocratie à la monarchie, tantôt de la monarchie à l’aristocratie. La Révolution a conservé ce mot comme une pierre d’attente ; nous en avons fait depuis soixante et dix ans une pierre de scandale.