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dynastique et le serment de fidélité à la personne royale. Dans ce système il est de principe que la Justice, ou ce qu’on appelle de ce nom, penche toujours du côté du supérieur contre l’inférieur : ce qui, sous l’apparence d’une autocratie inéluctable, est l’instabilité même.

Et, chose triste, tout le monde est ici complice du prince, l’esprit d’égalité que la Justice crée dans l’homme étant neutralisé ou aboli par le préjugé contraire, que rend invincible l’aliénation de toute force collective.

D. — Comment, dans ce travestissement de la Justice, de la société et du pouvoir, se conserve l’unité ?

R. — La nature des choses veut que l’unité résulte de la balance des forces, rendue obligatoire par la Justice, qui devient ainsi le véritable souverain, et donne la consigne à tous les participants de la puissance publique. Maintenant l’unité consistera dans l’absorption en la personne du prince de toute faculté, de tout intérêt, de toute initiative : c’est la mort sociale. Et comme la société ne peut ni mourir ni se passer d’unité, l’antagonisme s’établit entre la société et le pouvoir, jusqu’à ce qu’arrive la catastrophe.

D. — Dans cet état de choses, l’amoindrissement du pouvoir a semblé de tout temps une garantie pour la société : sur quoi portera la réduction ?

R. — À part ce que le prince possède à titre de patrimoine ou domaine privé ; à part aussi le commandement des armées, la perception de l’impôt et la nomination des fonctionnaires, le principe est qu’il abandonne le surplus, terres, mines, cultures, industries, transports, banques, commerce, éducation, à la libre jouissance, disposition absolue, concurrence effrénée ou coalition immorale de classe privilégiée. Ce qui est du domaine économique est censé ne le regarder plus ; il ne doit se mêler de rien. En un mot, l’abandon à une caste de feudataires de la véritable force sociale, voilà ce que l’on appelle limite du pouvoir, et qu’on décore du nom de libertés publiques. Transaction absurde, qu’aucun gouvernement n’est maître de tenir, et qui ne tardera pas à devenir un nouveau ferment de révolution.