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de la république que le veut la vérité, en est fait le souverain, et comme Dieu le justicier.

La conséquence est que le prince, occupé de sa domination personnelle, au lieu d’assurer et développer le pouvoir social, se crée, par l’armée, la police et l’impôt, une force particulière, capable de résister à toute attaque de l’intérieur et de contraindre au besoin la nation à l’obéissance : c’est cette force princière qui s’appellera désormais le pouvoir.

D. — Comment, dès lors, se conçoit la Justice ?

R. — Comme une émanation du pouvoir, ce qui est la négation même de la Justice. En effet, dans la condition normale de la société, la Justice domine le pouvoir, de la balance et de la distribution duquel elle fait une loi. Sous le régime dynastique, le pouvoir domine la Justice, qui devient un attribut, une fonction de l’autorité. De là la subordination de la Justice à la raison d’État, dernier mot de l’ancienne politique, condamnation de tous les gouvernements qui la suivent, et que le christianisme, en y ajoutant la raison de salut, n’a point sanctifiée. Que les princes et les prêtres se querellent pour l’exercice du pouvoir : ni les uns ni les autres n’en sont dignes, parce que tous ils méconnaissent la suprématie du droit.

D. — Comment, dans ce système d’usurpation, se déterminent les rapports des citoyens quant aux personnes, quant aux services, et quant aux biens ?

R. — Telle est la Justice devant le pouvoir, telle elle sera dans la nation : c’est-à-dire que, la Justice étant regardée comme une émanation de la force, tant humaine que divine, la force devient en tout et pour tout la mesure du droit, et que la société, au lieu de reposer sur l’équilibre des forces, a pour principe l’inégalité, c’est-à-dire la négation de l’ordre.

D. — Quelle peut être, après tout cela, l’organisation sociale et politique ?

R. — Il est facile de s’en rendre compte. Les forces collectives appropriées, la puissance publique convertie en apanage, les individus et les familles, déjà inégaux par le hasard de la nature, le deviennent davantage par la civilisation ; la société se constitue en hiérarchie. C’est ce qu’exprime la religion