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produit final. Le pouvoir est un par nature, ou il n’est pas : loin de le créer, toute compétition ou prépotence, soit d’un membre, soit d’une fraction de la société, ne servirait qu’à l’abolir. L’électricité cesse-t-elle d’être une, dans la pile, parce que cette pile se compose de plusieurs éléments ? Tout de même la qualité du pouvoir social varie, son intensité s’élève ou s’abaisse, selon le nombre et la différence des groupes : quant à l’unité, elle reste immuable.

D. — Toute force suppose une direction : à qui la direction du pouvoir social ?

R. — À tout le monde, ce qui veut dire à personne. La puissance politique résultant du rapport de plusieurs forces, la raison dit d’abord que ces forces doivent se balancer les unes par les autres, de manière à former un tout régulier et harmonique. La Justice intervient à son tour, pour déclarer, comme elle l’a fait dans l’économie générale, que cette balance des forces, conforme au droit, exigée par le droit, est obligatoire pour toute conscience. C’est donc à la Justice qu’appartient la direction du pouvoir ; de sorte que l’ordre dans l’être collectif, comme la santé, la volonté, etc., dans l’animal, n’est le fruit d’aucune initiative particulière : il résulte de l’organisation.

D. — Et qui garantit l’observation de la Justice ?

R. — Cela même qui nous garantit que le marchand obéira à la pièce de monnaie, la foi à la réciprocité, c’est-à-dire la Justice elle-même. La Justice est pour les êtres intelligents et libres la cause suprême de leurs déterminations. Elle n’a besoin que d’être expliquée et comprise pour être affirmée par tout le monde et agir. Elle est, ou l’univers n’est qu’un fantôme et l’humanité un monstre.

D. — Ainsi le pouvoir social, si élevé qu’il soit, n’implique pas en lui-même la Justice ?

R. — Non : de même que la propriété, la concurrence, et toutes les forces économiques, toutes les forces collectives, il est, par nature, étranger au droit ; c’est de la force.

Disons cependant que, la force étant un attribut de toute réalité, et toute force pouvant s’accroître indéfiniment par le