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ganisés et qui constitue leur réalité, à savoir le rapport des parties. Supposez une société dans laquelle tout rapport viendrait à cesser entre les individus, où chacun pourvoirait à sa subsistance dans un isolement absolu, quelque amitié qui existât entre ces hommes, leur multitude ne formerait plus un organisme ; elle perdrait toute réalité et toute force. Semblable à un corps dont les molécules auraient perdu le rapport qui détermine leur cohésion, au moindre choc elle tomberait en poussière.

D. — Dans le groupe industriel, la force collective s’aperçoit sans difficulté : l’accroissement de production la démontre. Mais dans le groupe politique, à quel signe la reconnaître ? En quoi se distingue-t-elle de la force des groupes ordinaires ? Quel est son produit spécial, et de quelle nature sont ses effets ?

R. — De tout temps le vulgaire a cru voir la puissance sociale dans le déploiement des forces militaires, la construction des monuments, l’exécution des travaux d’utilité publique.

Mais il est clair, d’après ce qui vient d’être dit, que toutes ces choses, quelle qu’en soit la grandeur, sont des effets de la force collective ordinaire : peu importe que les groupes producteurs soient entretenus aux frais de l’État, à la dévotion du prince, ou qu’ils travaillent pour leur propre compte. Ce n’est pas là que nous devons chercher les manifestations de la puissance sociale.

Les groupes actifs qui composent la cité différant entre eux d’organisation, comme d’idée et d’objet, le rapport qui les unit n’est pas tant un rapport de coopération, qu’un rapport de commutation. La force sociale aura donc pour caractère d’être essentiellement commutative ; elle n’en sera pas moins réelle.

D. — Montrez-le par des exemples.

R. — La monnaie. En principe et en résultat, les produits s’échangent contre des produits. En fait, cet échange, fonction la plus importante de la société, qui fait mouvoir, en valeurs tant de milliards de francs, en poids tant de milliards de kilogrammes, n’aurait pas lieu sans ce dénominateur commun, à la fois produit et signe, qu’on appelle monnaie. En France, la