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nent de la puissance, puissance synthétique et conséquemment spéciale au groupe, supérieure en qualité et énergie à la somme des forces élémentaires qui la composent.

Du reste, les êtres auxquels nous attribuons l’individualité n’en jouissent pas à d’autre titre que les collectifs : ce sont toujours des groupes formés sous une loi de relation, et en qui la force, proportionnelle à l’arrangement plus qu’à la masse, est le principe de l’unité.

D’où l’on conclut, au contraire de l’ancienne métaphysique :

1o Que, toute manifestation de puissance étant le produit d’un groupe ou d’un organisme, l’intensité et la qualité de cette puissance peuvent servir, aussi bien que la forme, le son, la saveur, la solidité, etc., à la constatation et au classement des êtres ; 2o qu’en conséquence, la force collective étant un fait aussi positif que la force individuelle, la première parfaitement distincte de la seconde, les êtres collectifs sont des réalités au même titre que les individus.

D. — Comment la force collective, phénomène ontologique, mécanique, industriel, devient-elle puissance politique ?

R. — D’abord, tout groupe humain, famille, atelier, bataillon, peut être regardé comme un embryon social ; par conséquent la force qui est en lui peut, dans une certaine mesure, former la base du pouvoir politique.

Mais ce n’est pas en général du groupe tel que nous venons de le concevoir que naît la cité, l’État. L’État résulte de la réunion de plusieurs groupes, différents de nature et d’objet, formés chacun pour l’exercice d’une fonction spéciale et la création d’un produit particulier, puis ralliés sous une loi commune, et dans un intérêt identique. C’est une collectivité d’ordre supérieur, où chaque groupe, pris lui-même pour individu, concourt à développer une force nouvelle, d’autant plus grande que les fonctions associées sont plus nombreuses, leur harmonie plus parfaite, et la prestation des forces, de la part des citoyens, plus entière.

En résumé, ce qui produit le pouvoir dans la société et qui fait la réalité de cette société elle-même est la même chose que ce qui produit la force dans les corps, tant organisés qu’inor-