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siècles, des chrétiens eux-mêmes. Le christianisme, tout affirmatif qu’il fut, parut comme la négation de la société ; ses sectateurs furent traités d’abord comme des ennemis du genre humain.

La Révolution, en niant à son tour, dans la morale la théorie transcendantale du droit, dans l’économie le prédestinatianisme des conditions et des fortunes, avec lui le fatalisme du laissez faire, laissez passer ; dans la politique le double principe des gouvernements antérieurs, providence et nécessité, raison de salut et raison d’état ; la Révolution, dis-je, en niant toutes ces choses, affirme par là même la réalité de la Justice, de l’économie et de la politique ; elle affirme l’application de la Justice dans l’ordre du pouvoir comme dans celui des intérêts, partant la fin de l’antagonisme, du fatalisme et du privilége ; à leur place, l’équilibre, la stabilité.

Conclusion du mouvement accompli pendant une période de trente-six à quarante siècles, la Révolution, en niant la métaphysique antique, donne la réalité aux choses ; elle fait plus que remplacer, elle crée.

Mais, dans cette crise régénératrice, les esprits ne pouvaient apercevoir d’abord que ce qu’elle leur enlevait. Plus la négation était générale, plus elle devait sembler effrayante ; semblable au christianisme, qui s’était défini lui-même la fin du monde, la Révolution apparut aux conservateurs contemporains comme la dissolution finale. Mais j’ose dire que déjà la raison publique ne s’y laisse plus prendre. Il n’y a pas trente ans, la pire injure pour un homme était de l’appeler révolutionnaire ; aujourd’hui, malgré les cris d’une réaction sans bonne foi, on rit de l’épithète, tout le monde est de la Révolution.

J’avais donc le droit, en 1845, de prendre pour épigraphe des Contradictions économiques ces deux mots du Deutéronome : Destruam et ædificabo. Il s’agissait de