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« S’il s’élève au milieu de toi un faux prophète, dit le Deutéronome, homme ou femme, tu ne l’écouteras pas, tu ne l’épargneras point, tu ne le déroberas point à la justice ; mais tu le tueras sur-le-champ, statim interficies ; tu commenceras par le frapper, et tout le peuple le frappera après toi. »

C’est ce que les docteurs juifs nommaient jugement de zèle, et dont la Bible fournit maint exemple, nommément en Phinées, Élie, Joad et Mathathias. L’idolâtrie était assimilée au crime de haute trahison : tout citoyen était juge et exécuteur. Il a convenu à l’abbé Bergier de révoquer en doute cette institution de Moïse, et de fausser même le texte du Deutéronome. Nous connaissons le motif de cette infidélité : la théorie chrétienne de la prédestination et la discipline catholique ne sauraient cadrer avec cet appel républicain du législateur hébreu à la Justice personnelle, à la Justice immanente de l’humanité.

Voyez pourtant où nous sommes réduits, et à quel degré la provocation est venue !

Un pamphlétaire voué au service de la providence épiscopale publie ma biographie ; ce qui est pire, à mon sentiment, que de m’empêcher d’exercer un droit d’affouage. Quand cette notice serait aussi anodine que l’eût pu souhaiter le plus chatouilleux amour-propre, je demanderais toujours : De quel droit cet homme se permet-il de toucher à ma personne ? Comment est-il licite de biographier un citoyen, soit en bien, soit en mal ?… Mais ce n’est pas à ma gloire que M. de Mirecourt a publié son pamphlet : autant qu’il est en lui, il verse le ridicule, l’odieux, sur toute ma vie ; il me poursuit jusque dans ma race ; il met l’interdit sur mon travail, sur la subsistance de ma famille ; il me signale à l’animadversion du pouvoir, à la haine de la bourgeoisie conservatrice ; il m’excommunie. Je veux me défendre, répondre au libelle,