Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/473

Cette page a été validée par deux contributeurs.

yeux tournés vers le passé, dénaturant, dans leur style suranné et contradictoire, des idées dont ils n’ont pas l’intelligence.

Je le constate, ce fait étrange, sur le revirement des consciences, dont le pôle est déplacé, dont l’orientation n’est plus la même, et que l’on voit pour cette raison, depuis environ un siècle, devenir de plus en plus réfractaires à toutes les conditions du régime fondé sur l’autorité, réfractaires à la Providence.

XXXVI

Le peuple, de nos jours, est loin d’être blasphémateur et sacrilége ; mais il est profondément indévot. L’adoration est sortie de ses habitudes. Séparant la religion de la Justice, il est convaincu que celle-ci suffit à l’homme, que la première est de surérogation, et il a inventé un mot pour traduire cette pensée de haute indifférence, la foi du charbonnier.

Le peuple a compris du reste l’alliance naturelle, dogmatique, de l’autel et du trône, du prêtre et du noble. Aussi laisse-t-il l’église au bourgeois, se méfiant de la bigoterie autant que de la prêtraille.

Le peuple aspire à un gouvernement égalitaire, fondé sur des lois absolues, immanentes, comme celles que la science découvre tous les jours dans l’univers. La science, la vérité positive, objective, juridique, en tout et partout, tel est son idéal. La Providence, le bon plaisir dans le gouvernement de l’univers et de la société, lui répugne.

La résignation, aussi bien que la foi, est morte dans son cœur ; il veut le droit, le travail, la liberté, n’attendant son bien-être que de ses efforts, et prêt à se faire justice du pouvoir comme de la religion.

Tous ces sentiments, obscurs encore et mal définis, pénètrent les âmes : elles en sont imbues, et si j’ose ainsi