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pas plus que dans celles de la conscience. Mais ce que n’ose le pouvoir, l’Église, plus puissante que le pouvoir, ne craint pas de l’entreprendre. D’abord, il ne s’agit que d’une association particulière entièrement libre, et pour un objet spécial, l’accomplissement d’un devoir de religion. Puis, quand l’association sera devenue nombreuse, quand elle aura enveloppé un certain nombre de villes et de départements, pétition sera adressée à l’empereur, qui, faisant droit à la piété et aux réclamations unanimes de son peuple, convertira en loi de l’État la défense de travailler le dimanche. Suspension de la liberté du travail : suspension de la morale.

Je crois avoir lu quelque part, mais le fait m’a été depuis confirmé par nombre de personnes, que dans le seul département du Doubs la police, à la sollicitation de l’Église, a fait fermer plus de trois cents établissements de consommation, sous prétexte d’ivrognerie et de trouble apporté au service divin.

Qu’a de commun, demandez-vous, la morale avec le cabaret ?

D’abord, un cabaret est une propriété, et je n’ai point entendu dire que la police, ou la fabrique, en faisant ôter les bouchons, ait indemnisé les propriétaires. Mais je veux ne considérer la chose que sous son aspect le plus frivole, le plaisir du consommateur. Il y a trente ans que je fréquente les cafés, cabarets, gargottes, restaurants : le casino, ou cercle, est au-dessus de mes moyens. Célibataire, je n’avais pas d’autre salon que le café ; marié, j’y trouve de temps à autre, avec une société que je ne rencontrerais pas ailleurs, une distraction toujours agréable. Depuis la Révolution, le café et le cabaret sont entrés de plus en plus dans les mœurs du paysan. Qu’on lui apprenne à ne pas s’y enivrer, à ne pas y dévorer la subsistance de sa femme et de ses enfants, s’il se peut même à