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contrarier la foi. Et si j’en crois les confidences de nos libraires, le clergé de France n’exerce pas une moindre influence sur la police des écrits. Suspension de l’intelligence, suspension de la morale.

Dans une commune où se tenait une conférence d’ecclésiastiques, on vit arriver ventre à terre une estafette expédiée par le préfet du département pour demander à ces messieurs quels candidats ils souhaitaient pour leurs mairies respectives. Je laisse à penser l’effet que doit produire cette déférence des hauts fonctionnaires de l’État envers le clergé sur des paysans qui ont voté l’empire précisément en haine des prêtres et de leur régime.

Au reste, ce n’est pas d’aujourd’hui que les pouvoirs sortis de la Révolution recherchent le concours du clergé. Un ministre de Louis-Philippe se plaignait à lui du choix qu’il avait fait de M. Bouvier pour évêque du Mans. « Sire, disait le ministre, votre M. Bouvier n’est qu’un paysan. — Je le sais, répondit le roi ; mais ce paysan me vaut dix mille baïonnettes. » Est-ce que Mgr Bouvier, par reconnaissance, aurait délié Louis-Philippe ?…

Ainsi, dans le domaine de l’administration comme dans celui des idées, la pensée cléricale se substitue à la pensée libre. Cela ne peut être autrement, si l’on songe que la commune n’est pour le prêtre qu’une contrefaçon de la paroisse, un foyer de schisme où le desservant doit rentrer en vertu du mandat pastoral : Là où sont les brebis, là doit être le pasteur. Mais cela suppose aussi que les brebis sont du tout incapables de penser par elles-mêmes, sans quoi nous voilà forcés de conclure : Suspension de l’esprit public, suspension de la morale.

Je ne demande pas l’usage que le clergé a fait de son influence dans nos dernières commotions politiques ; j’aime à croire qu’il n’a rempli qu’une mission de charité. La Terreur semblait revenue ; une épuration générale,