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d’un soldat traduit en conseil de guerre pour crime de viol ? — Oui. — Soyez indulgent. C’est le mot de l’Église : Va-t-il à la messe ? — Oui. — Soyez indulgent. Le crime du soldat, comme celui du chrétien, ne prend de gravité qu’autant qu’il compromet le commandement, la hiérarchie, la discipline. Le serment militaire avant tout ; mais le serment civique, qu’importe ?…

Ne soyons donc pas étonnés si l’Église prie, si elle jeûne, si elle chante pour des partis en apparence contraires : au fond c’est toujours la même cause qu’elle défend, la même vérité qu’elle proclame. En vertu du pacte de Charlemagne, renouvelé de siècle en siècle par les pragmatiques-sanctions et les concordats, l’Église reste la souveraine spirituelle des nations, qu’elle dirige, d’un côté par ses pontifes, ses évêques, ses légats, de l’autre par les rois et empereurs ses fils, selon la loi d’un perpétuel état de siége. De quelque côté que se déclare la victoire, elle est assurée du jugement de Dieu.

Suspension à perpétuité de la Justice et de la morale, pour la gloire de Dieu, le triomphe de l’Église et le salut de l’empire, tel est donc, en dernière analyse, le système chrétien : quel chef-d’œuvre !

XXXI

Les faits de détail confirment cette théorie d’ensemble. Toujours quelque prétexte se rencontre, sérieux ou futile, pour motiver la suspension de quelque liberté, de quelque droit.

Au temps où le catholicisme était plus qu’aujourd’hui une vérité, le Pape, chef de l’Église, pour châtier les princes, se permettait de temps à autre de délier les sujets du serment de fidélité. Certains auteurs, démocrates à tous crins, ont trouvé la chose superbe : le Pape, disent-ils, était alors le chef de la démocratie chrétienne, il re-