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civiles, puis des affaires d’État, puis des tribunaux correctionnels, et finalement, en ce qui concerne les délits politiques et ceux de presse, des cours d’assises. Serait-ce donc que la Justice divine, dont l’Église se prétend l’organe, ne peut supporter la clarté et la sérénité de la Justice humaine, et qu’il faille au grand Justicier, pour manifester ses arrêts, des cours prévôtales, des tribunaux d’exception, des conseils de guerre, avec leur cortége de formes inhumaines et d’immorales maximes ?

Ô prêtres ! ne pourrez-vous jamais jeter les yeux sur vous-mêmes, descendre dans vos consciences, et là, dans le silence de votre religion, faire l’examen de votre foi ?

Vous êtes hommes aussi ; et je n’en fais aucun doute, car je n’accuse ni vos intentions ni votre vie, bon nombre parmi vous sont gens d’honneur et de vertu. C’est donc à ce qu’il y a de meilleur en vous que je fais appel. Considérez dans quelle épouvantable situation vous place votre dogme. Sous le couvert d’un Évangile de paix, de fraternité et d’amour, vous êtes, pour l’asservissement des peuples, élevés à la chaîne, accoutumés à l’espionnage, et votre métier est de trahir. Cela n’est pas dans vos cœurs, non plus que dans votre bréviaire ; mais cela éclate tout au long de votre histoire, et résulte invinciblement de votre théologie. Ce qu’il y a en vous d’honnête, de généreux, de saint, n’est qu’un moyen de succès de plus pour votre immorale mission, et c’est par principe de conscience qu’en pensant sauver les âmes, vous vous êtes faits les ennemis du genre humain. Vous ressemblez à la femme adultère dont il est parlé au livre des Proverbes, et qui a perdu jusqu’au sentiment de son impudicité. « Elle a mangé, dit le Sage sous le voile d’une métaphore à faire trembler Juvénal ; elle s’est rincé la bouche, et puis elle dit : Je n’ai rien fait !… Comedit, et tergens os suum dicit : Non sum operata malum. »