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supérieurs ; l’évêque ne reconnaît d’autre chef que lui-même, car le recours d’un prêtre au métropolitain ou au Pape ne fut jamais qu’une mystification.

« Avant 89, l’existence du clergé reposant sur la possession de biens immenses, dont le pouvoir séculier s’était réservé la collation, une certaine indépendance était assurée aux heureux bénéficiaires, pendant que la partie la plus laborieuse du clergé et la plus pure gémissait dans l’oppression et la pauvreté. Le Concordat de 1802, qui restaura le culte et améliora, sous un rapport, la condition des ecclésiastiques, détruisit jusqu’au dernier vestige de leur liberté ; le clergé fut livré sans défense à la merci de quelques prélats. Bonaparte, qui concentrait dans sa main tous les pouvoirs, s’assurait ainsi une puissance de quarante mille prêtres dans la personne de quatre-vingts évêques. »


Est-il besoin que je le rappelle ? le Concordat, en ce qui touche le gouvernement du clergé, fut un retour à la vraie discipline. Ainsi en avait usé Constantin lorsque, dans l’empire épuisé, il fit appel aux évêques et retrouva dans les cadres de l’Église une armée nouvelle, enthousiaste, formée de longue main à l’obéissance, et, sous ce rapport, plus commode au despotisme, plus maniable que les prétoriens.

« La charte ecclésiastique se réduit tout entière à un seul article, à un seul mot, l’obéissance. Le serment que le vassal prêtait au suzerain dans les temps féodaux, on nous l’impose avec les circonstances les plus propres à frapper nos jeunes imaginations. Le jour de l’ordination, l’évêque, trônant majestueusement la mitre en tête, nous à genoux devant lui, les mains dans les siennes, nous jurons une obéissance absolue à lui et à ses successeurs. Aussi saura-t-il au besoin nous rappeler notre engagement et en exiger l’exécution. À nos observations timides, il répond victorieusement : Vous avez fait vœu d’obéir : pas de résistance, ou je vous interdis. Or, l’interdit signifie condamnation aux fers, au boulet, au bagne. — Ignorez-vous, disait un jour Mgr Caron, ancien évêque du Mans,