l’homme ne vaut guère mieux, puisque le décret de prédestination, antérieur à tout mérite et démérite, est un pur acte du bon plaisir de Dieu, immodifiable, irrévocable. Quand le Juge suprême jouerait, comme Bridoye, le salut des hommes au sort des dés, sa prédestination, affranchie de toute considération juridique, n’en serait, relativement à nous, ni plus morale ni plus judicieuse.
Remarquez du reste que la prédestination n’exclut pas l’égalité ; elle la suppose, et c’est là le merveilleux. Si les âmes étaient inégales, si Dieu en les créant les dotait de facultés graduées, appropriées aux fonctions qu’elles auront à remplir dans la vie, le décret de prédestination pourrait être motivé par leurs qualités natives ; il serait encore gratuit, mais il ne serait pas sans motifs ; en dernière analyse, la destinée de chacun serait proportionnelle à ses moyens. Ce serait de la logique ordinaire, une application à la vocation des âmes de la théorie des causes finales. Mais tel n’est point l’ordre de la Providence : devant Dieu leur créateur toutes les âmes sont égales ; elles ne perdent leur égalité que par l’union avec le corps, tombé sous la puissance de Satan. Ici donc la finalité, qui partout éclate dans la constitution des créatures, n’a plus lieu. Le souverain Arbitre fait servir à ses desseins qui il lui plaît et comme il lui plaît ; du berger il fait un roi, du piqueur de sycomores un prophète, du pêcheur un apôtre, du mendiant un pontife. C’est ainsi que ses jugements se manifestent, et déconcertent la raison des hommes.
XVIII
De la prédestination anté-mondaine, dont l’objet spécial est le salut des âmes, transportons-nous actuellement dans le gouvernement de l’humanité.
Déjà nous savons qu’au point de vue de la théologie chrétienne l’humanité n’est pas régie, comme l’univers,