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Comment ensuite, sur ce grand fait de l’inégalité sociale, se contenter plus longtemps de l’explication usée, décriée, d’une nécessité brutale et sans intelligence ? Eh quoi ! de toutes parts l’esclave, le prolétaire, l’opprimé, se soulevaient contre la destinée et contre l’empire ; ils appelaient de la fatalité à la Justice divine, — cet appel faisait tout le christianisme, — et l’Église leur répèterait, avec le paganisme, que, s’ils souffraient, s’ils jeûnaient, s’ils se désespéraient, c’était par force majeure, par la nature des choses, par la volonté du destin !…

Quant aux révolutions des États, objet de scandale dans le paganisme même, dont les dieux protecteurs, des villes, se trouvaient ainsi convaincus d’impuissance, il était encore plus impossible à l’Église d’en admettre la théorie. Outre que cette théorie, faisant naître l’instabilité de la nécessité, semblait contradictoire, l’Église, héritière de la synagogue, se faisait des révolutions des empires un titre providentiel. C’était pour elle que tout ce mouvement s’était accompli, pour elle que l’Europe avait vaincu l’Asie, et que Rome commandait à l’univers. L’argument tombait, si l’évolution était éternelle. Désormais, au contraire, le Christ allait en finir avec ces établissements éphémères, qui tous promettaient l’ordre et ne donnaient que l’anarchie, Qui dicebant : Fax ! pax ! et non erat pax. Telle avait été la pensée des Césars eux-mêmes et l’espérance des Romains. Imperium sine-fine dedi, je leur ai donné un empire sans fin, dit Jupiter dans l’Enéide, I. 1, v. 279 ; un empire de paix, de Justice et de concorde :

Aspera tum positis mitescent sæcula bellis,
Cana Fides, et Vesta, Remo cum fratre Quirinus
Jura dabunt… ….........(Ibid., v. 291-293.)


Le Christ annoncé aux prophètes, le Christ fils de Jéhovah, donnerait-il moins que Jupiter ? L’Église reste-