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tion est donc de savoir ce que vaut le service rendu ou la découverte opérée, afin de lui appliquer la loi de l’échange, qui est l’égalité des valeurs.

Or, le gouvernement, en tant qu’il procède d’une prétendue nécessité de laquelle naît l’inégalité des conditions et des fortunes, ne l’entend point ainsi ; son principe est de décerner des récompenses hors de proportion avec les services, de créer des bénéfices gratuits, des priviléges perpétuels.

Tels furent les droits féodaux abolis par la Révolution, et que depuis soixante ans on s’efforce de rétablir. Telles sont les concessions, subventions, dispensations, dotations faites par l’État, à perpétuité, à de grandes compagnies, à de hauts personnages ; tels encore les offices ministériels, et tous ces petits monopoles échappés à la grande razia du 4 août.

Ce que l’on se propose, par ces dérogations au droit commun, est de reformer et d’entretenir la hiérarchie des classes : on l’avoue. C’est une vieille maxime de la monarchie qu’une royauté a besoin de noblesse, la noblesse d’un tiers-état, et celui-ci d’une plèbe ; que pour avoir des nobles il faut de grandes propriétés, des droits d’aînesse, des majorats ; pour soutenir une bourgeoisie, des corporations, des maîtrises et des jurandes, La plèbe n’a pas besoin qu’on la soutienne : elle vient toute seule, comme les sauvageons. Le gouvernement, qui pourrait arrêter cette végétation féodale, qui du moins pourrait la balancer, en donnant l’essor à des institutions de mutuellisme, le gouvernement favorise l’inégalité ; il laisse faire le privilége, il comprime la Révolution. Ainsi, grâce à cette haute connivence, tandis que la Justice règne, le privilége gouverne : la société est enlacée dans un vaste réseau de monopoles. Jamais l’égalité, fille de la Justice, n’avait été vue d’aussi près que depuis 1789 ; mais, comme