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est supérieur à la Justice ; que par conséquent, plus il vieillit, plus, la nécessité le poussant, il accumule sur sa tête d’iniquités et avance sa ruine.

Cette théorie d’arbitraire autant que de fatalisme, qui se résout, comme l’on voit, en une contradiction, a été gravement soutenue de nos jours comme la quintessence de la morale, le fin du fin de la politique.

L’homme d’État, disent les adeptes, obéit à deux maximes différentes, à deux lois, à deux morales, selon qu’il applique les règles ordinaires de la Justice, ou que, s’élevant à une sphère plus haute, il considère la raison d’État. Mais son âme n’en est point troublée : autant dans la science le général l’emporte sur le particulier, autant dans la conscience de l’homme d’État la morale politique, la grande morale, l’emporte sur la morale vulgaire. Pour lui, les distinctions accoutumées du juste et de l’injuste changent et s’intervertissent dès qu’il est question du salut public et de la raison d’État. Ce qui est utile à la Société, c’est-à-dire à la hiérarchie, à la noblesse, au clergé, au prince, passant en première ligne, est le vrai bien ; ce qui peut leur nuire est le mal : tant mieux pour le citoyen, dont le droit y concorde ; tant pis pour celui dont le droit y est contraire. C’est un risque que tous ceux qui vivent sous la loi de l’État s’engagent tacitement à courir : la société n’existe qu’à ce prix. Islam, résignez-vous !

X

Le système de la raison d’État, qui n’est autre que le système du Fatum, motivé sur le principe d’une inégalité purement hypothétique, a régi tous les anciens peuples ; il régit les modernes.

Car il ne faut pas s’imaginer, parce que le christianisme a répandu sur le monde son eau baptismale, que le paganisme, qui le premier donna la sanction du destin à l’iné-