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longtemps possible ; exercer le pouvoir, au dedans et au dehors, dans le sens du privilége aristocratique, de la hiérarchie des fonctions, de la subordination des masses et de la prérogative gouvernementale ; le tout avec le plus de gloire pour le prince et de profit pour la classe élevée, le moins de turbulence et de misère dans la plèbe. »

Dans ce programme, qui est celui de tous les pouvoirs, de toutes les théories, de toutes les utopies, la justice n’est comptée pour rien ou presque rien. Il ne se peut autrement : la Justice, dans l’hypothèse de l’inégalité naturelle et sociale, hypothèse qui n’est autre que celle de la déchéance originelle, n’étant pas de l’homme, mais du souverain, identique et adéquate par conséquent à la volonté du souverain, à l’intérêt du souverain, la Justice n’a rien à faire dans une constitution dont le principe est la nécessité ; le moyen, la force ; le but, d’empêcher, par la force, la révolte de la misère contre le privilége.

Suivant que le prince s’inspirera de tel ou tel des éléments dont est formée la constitution physique du pays, il y aura une politique des instincts, une politique des intérêts, une politique de tradition, une politique de guerre, une politique de religion. Toutes ces politiques ont été glorifiées tour à tour par les beaux esprits de chaque siècle ; elles le sont plus que jamais aujourd’hui. Mais une politique de Justice, il n’y en eut jamais ; il ne saurait y en avoir. La Justice, prise pour principe, moyen et but du gouvernement, est une utopie révolutionnaire, qui ne se peut réaliser que par l’Égalité.

IX

Ainsi, tant que dure l’éducation économique des sociétés, la Justice étant subordonnée à l’Autorité, le Pouvoir tend fatalement au despotisme, qui lui devient de plus en plus un besoin, tranchons le mot, une vertu.