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et contrairement à l’ancienne doctrine, j’affirme donc que la stabilité est essentielle à l’État, et que l’opinion de sa caducité nécessaire, naturelle, organique, est fausse.

Quelle serait, au surplus, cette cause fatale de caducité, qui plane comme l’oiseau de la mort sur la pensée des publicistes et des hommes d’État ?

Serait-elle dans l’objet même de la constitution politique, dans ce qui fait son mandat, sa mission, sa fin ?

L’objet ou la cause déterminante de l’établissement du pouvoir chez les peuples primitifs a été de protéger la Justice, telle quelle, contre les incursions de la barbarie, soit intérieure, soit extérieure. L’histoire des plus vieilles civilisations, dans la Chine, l’Inde, la Chaldée, l’Égypte, de leurs guerres, de leurs expéditions, des invasions qu’elles ont éprouvées, le démontre. L’oppression des Doriens par toute la Grèce pendant plus de quatre siècles, les guerres serviles des Romains, le montrent encore. Platon, à qui on fait honneur de cette découverte, que la Justice est l’objet, partant la base et la loi du gouvernement, ne fut ici que l’interprète des législations primitives, de même que sa république n’est qu’une contrefaçon des premières utopies. Il ne sut pas même déduire de son principe que l’État ayant pour fondement la Justice, pour mandat la Justice, pour loi d’organisation et d’action la Justice, sous tous ces rapports l’institution politique n’ayant rien que de légitime, par conséquent d’éminemment vital, elle devait être, par nature, essence et destination, inaccessible à toute atteinte, à toute dissolution, en un mot immuable. Le premier au contraire, Platon désespère de la stabilité de l’État. Il n’attend rien, pour sa conservation, de l’efficacité du droit. Après avoir posé en principe la légitimité de l’institution, il conclut par la nécessite de la chute. Aussi ne donne-t-il sa république que comme un idéal.