Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/388

Cette page a été validée par deux contributeurs.

avance, tu le rempliras avec plus de certitude, tu éviteras ce qui pourrait t’en détourner : c’est le seul moyen qui te soit laissé d’ajouter à ta fortune si elle est favorable, comme aussi de l’adoucir si elle est contraire…

Ainsi procède le génie humain. Au lieu de chercher dans l’analyse des faits la raison des choses, de contrôler par des observations réitérées ses premiers aperçus et de rectifier ses jugements, il tranche, il décide, il décrète, il joue, sans s’en apercevoir, le rôle du Destin qu’il adore. Puis il se donne des mythes, il s’entoure de fables et de mystères ; il se crée, pour conjurer le Destin, une pharmacie de sacrements et tout un chenil de divinités.

Ce qu’il y a de plus triste est de voir ensuite la philosophie redire en phrases pédantesques les enseignements de la superstition, et donner ses pastiches pour des découvertes. Laissons de côté la théologie fataliste du pouvoir, que Mahomet a résumée en un mot, islam, résignation. Mais les docteurs ès sciences politiques, qu’ont-ils fait autre chose que la déduction matérialiste du mythe oriental ?

VI

Tous les auteurs qui ont traité de la politique, depuis Platon jusqu’à J.-J. Rousseau, sont d’accord que l’instabilité est inhérente à tout gouvernement ; et comme ils expliquent cette instabilité par un fait de nature prétendu nécessaire, lequel se traduit pour l’État en une loi également nécessaire, il en résulte, selon ces auteurs, que l’État, en obéissant à sa nécessité naturelle et sociale, travaille nécessairement à sa ruine.

Sur quoi j’observe, tout d’abord, qu’une pareille nécessité est chose contradictoire, qui répugne à la notion de l’être, aux lois du mouvement et de la vie, à la destinée sociale, au progrès de l’humanité, à la fonction officielle de l’État. A priori, de par la logique, avant tout examen