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CHAPITRE II.

Du gouvernement selon la nécessité : Platon, Aristote, Spinoza,Rousseau, Machiavel. — Métaphysique du système.

V

La plus grande des divinités antiques, devant laquelle toutes les autres, comme de simples créatures, courbaient la tête, était le Destin, Fatum, Parca, Necessitas, Sors ou Fors, Fortuna ; grec, Μοΐρα, Ἀναγκὴ, etc.

Par le Destin, disait la religion, et à sa suite la philosophie, s’explique tout ce qui arrive dans l’univers, les destinées des mortels, et les révolutions des empires. Devant lui toute question tombe, toute recherche expire : il est la raison première et dernière des choses.

Pourquoi ces débâcles de nations et de trônes, croulant les uns sur les autres, dans une instabilité perpétuelle ? — C’est le Destin qui le veut ; c’était écrit dans son livre ; c’est le fuseau de la Parque qui tourne : sic volvere Parcas !

Pourquoi suis-je pauvre, opprimé, tandis que tel autre, qui vaut peut être moins, commande et jouit ?

C’est le Destin qui l’a ainsi établi, c’est lui qui nous assigne à chacun notre lot, sortem, μοΐραν. Qui oserait réclamer contre ses décrets ?

Et pourquoi ne réclamerais-je pas ? Qu’y a-t-il de commun entre moi, être libre, que la Justice possède, et le Destin ?…

Impiété ! Les dieux mêmes sont soumis à la Destinée ; et toi, ver de terre, tu protesterais contre elle ! Heureux seulement, si avec le secours de ces Immortels, qui te donnent l’exemple de la soumission, tu parviens à lire quelques lignes du livre éternel ! Connaissant ton sort par