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IV

Je ne ferai pas attendre à mes lecteurs la solution.

Ainsi qu’on vient de voir, je réduis toute la science politique à une question unique, celle de la stabilité.

Qui fait que depuis la haute antiquité jusqu’à nos jours la constitution des États a été si fragile, que tous les publicistes, sans exception, l’ont déclarée essentiellement instable ?

Qui leur conférera la stabilité et la durée ?

Telle est pour moi la question fondamentale, la seule précisément qui n’ait pas été traitée à fond. Les autres n’ont qu’une importance secondaire.

Et telle est ma réponse :

Ce qu’il faut considérer avant tout dans le gouvernement n’est pas l’origine (droit divin, droit populaire ou droit de conquête) ; ce n’est pas non plus la forme (démocratie, aristocratie, monarchie, gouvernement simple ou mixte) ; ce n’est pas même l’organisation (division des pouvoirs, système représentatif ou parlementaire, centralisation, fédéralisme, etc.) : c’est l’esprit qui l’anime, la pensée intime, l’idée.

C’est par leur idée que les gouvernements vivent ou meurent… Que l’idée soit vraie, et l’État, si reprochable qu’en soit l’origine, si défectueuse que paraisse son organisation, se rectifiant de lui-même, conformément à sa pensée secrète, sera à l’abri de toute atteinte du dehors, comme de toute corruption du dedans. Il fera rayonner autour de lui sa pensée, et s’accroîtra sans cesse en étendue, en profondeur et en force. Au contraire, que l’idée soit fausse, alors il n’est légitimité, popularité, organisation, puissance militaire qui tienne, il faut qu’il tombe.

Or, comme la pensée, avouée ou non avouée, des gouvernements, a été jusqu’ici un préjugé radicalement op-