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tout ferment généreux et philosophique, se donnant un prince de son crû, forme un tout politique qui peut durer autant qu’elle-même, indéfiniment. Tel est le gouvernement turc, qui remonte à plus de 500 ans, et dont Abdul-Médjid est le trente-quatrième sultan. Si l’empire turc, après avoir usé dans de longues guerres les facultés physiques et conquérantes de sa nation, est tombé dans l’étisie, s’il soulève le mépris même de nos soldats, ce n’est pas tant sa faute que celle des nations qui l’entourent, qui l’étreignent de leur civilisation active, et, le pénétrant de toutes parts, le contraignant à réfléchir, accélèrent sa dissolution. Plus elles montent, plus il paraît descendre ; mais ce n’est pas une raison de dire que par lui-même il manque de stabilité. L’empire ottoman pouvait aller dix siècles sous le protectorat de la Russie ; il meurt de la raison des puissances occidentales.

Quoi qu’il en soit, il résulte des réflexions de M. de Broglie que la France, après avoir traversé cinq ou six sortes de gouvernements, ne sait point encore auquel s’arrêter ; qu’elle les a repoussés successivement tous et avec la même énergie ; que le scepticisme politique s’est développé dans le pays en raison directe des variations de l’autorité ; que non-seulement la foi au pouvoir est éteinte, mais que l’antipathie est arrivée au comble, et que n’était un je ne sais quel sentiment de conservation ou de peur qui retient en haut et en bas la masse, le pouvoir, dont la compression augmente de jour en jour, tomberait vite : en sorte que plus, avec le temps, la raison publique grandit et la civilisation se développe, plus éclate l’antagonisme entre la société et le gouvernement.

Telle est, Monseigneur, l’énigme dont je vous demande, à vous à qui la foi enseigne tant de choses, la solution. Que signifie cette évolution interminable ? S’il est pour les nations un système de gouvernement normal, et la