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dans la philosophie et la liberté tombent en dissolution, elle en recueille les lambeaux et se reforme sans cesse par son immobilité même. C’est ainsi qu’elle vient sous nos yeux de succéder à l’Église gallicane, dans tout ce qui reste en France de cœurs chrétiens : c’est ainsi qu’elle succédera à toutes les Églises soi-disant réformées, à moins que la raison de l’humanité ne conclue définitivement contre la raison de ces Églises, contre la théologie. L’Église n’a que le souffle, et ce souffle est plus vivace que toutes les énergies qu’elle a vu naître, plus fort que toutes les institutions qui se sont formées hors d’elle en l’imitant.

Ici donc, comme dans la Révolution, il faut admettre la présence d’un principe resté en dehors de toute atteinte ; principe dont l’affaiblissement graduel est indubitable, puisque partout où l’Église s’offre avec un certain mouvement de la pensée et un degré supérieur d’instruction, comme chez les gnostiques et les réformés, elle marche à une dissolution rapide ; mais principe qui, ayant conservé sa racine au plus profond des consciences, suffit à entretenir l’Église, à lui ramener sans cesse les cendres de la dissidence, et qui la ferait renaître elle-même, s’il était possible que ce principe subsistant toujours dans les cœurs l’Église qui en représente la foi cessât d’exister.

Ce principe, créateur et conservateur de l’Église, est la Religion.

La Révolution affirme la Justice, disais-je tout à l’heure ; elle croit à l’Humanité : c’est pour cela qu’elle est invincible, et qu’elle avance toujours.

L’Église croit en Dieu : elle y croit mieux qu’aucune