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des résultats, ne se manifeste que d’une manière fort obscure dans l’état actuel des sociétés. Pour la saisir, il faut faire un long détour, passer par toutes les théories de la Justice, de la liberté, du progrès, de l’idéal, de l’amour et du mariage, épuiser la psychologie, la métaphysique et l’histoire. Aussi n’est-ce point comme un résultat empiriquement obtenu que je la présente, mais comme une induction nécessaire de la philosophie pratique et de la religion elle-même.

Du reste, l’anomalie dont Malthus a voulu faire une loi s’explique d’elle-même. La Justice n’est encore qu’un mythe pour l’humanité. L’équilibre ne se rencontre nulle part dans l’économie sociale, pas plus entre les forces qu’entre les produits. L’immense majorité des humains asservis à un labeur uniforme, beaucoup ne travaillant pas, sans étude, sans responsabilité, sans initiative, sans but, sans foyer, livrés au fatalisme des sens et aux enivrements de l’idéal : dans un semblable milieu, la balance de population est impossible ; il serait contre la nature des choses qu’elle s’établît.

La misère est prolifique, observent avec humeur les économistes. Les anciens, qui avaient fait la même remarque, disaient l’Amour mari de la Pauvreté. Quoi d’étonnant à cela ? L’amour est à peu près la seule faculté dont le peuple ait le plein exercice : par quoi serait-elle tenue en équilibre ? La Justice, c’est-à-dire l’égalité, la liberté, toutes les réformes que la pratique du Droit entraîne, peut seule lui faire contre-poids. Or, après l’excès de population, l’école de Malthus n’a rien tant en horreur que l’égalité. Donc l’amour déborde, la population et la misère à sa suite ; ou bien, dans le cas où les aphorismes de la prévoyance malthusienne l’emporteraient sur le laisser-aller de l’incontinence, le renoncement à la famille et la dépopulation. Rome et l’Italie, sous les empe-