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absent et peut-être infortuné qu’ils vont appeler à la vie sans s’inquiéter du sort qui l’attend, peu importe : l’essentiel n’est pas qu’ils s’abstiennent d’un acte triplement nuisible, l’essentiel est qu’ils évitent de faire un acte vain. Telle est la morale des casuistes ; morale à rebours de tout bon sens et de toute morale, car ce que veulent le bon sens et la morale, ce n’est sûrement pas tant qu’on s’abstienne de faire des actes vains que de faire des actes nuisibles.

« Aussi la vérité, en dépit de ces graves sottises, est-elle que, si des époux ne doivent pas regarder comme blâmable tout rapprochement qui ne tendrait pas à accroître leur postérité, ils ont pourtant, même dans les rapprochements les plus autorisés et au sein de l’union la plus légitime, des ménagements à garder, soit envers eux-mêmes, soit l’un envers l’autre, soit l’un et l’autre envers les tiers qui peuvent être les fruits de leur union. »


Consulté à diverses reprises, par MM. Louis Leclerc et Joseph Garnier, sur la moralité d’une telle prudence, M. Dunoyer répond qu’il trouve un pareil doute peu raisonnable. Il va jusqu’à dire que le précepte de Malthus est tout aussi pudique que le sixième et le neuvième commandement du Décalogue, et qu’après ce distique :

L’œuvre de chair ne désireras
Qu’en mariage seulement,

il serait à propos de placer cette autre recommandation, bien plus essentielle :

L’œuvre de chair accompliras
En mariage prudemment.

M. John Stuart Mill, dans ses Éléments d’économie politique, 1845, s’exprime avec la même rondeur que M. Dunoyer, et il fait cette réflexion :

« Le peuple ne se doute guère de tout ce que lui coûte cette pruderie de langage. On ne peut pas plus prévenir et guérir les maladies sociales que les maladies du corps sans en parler clairement. »