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œuvres même du péché. Désormais il ne faut plus dire onanisme, il faut dire malthusianisme.

Le raisonnement est très-simple : Si la thèse fondamentale de Malthus est prouvée, — la tendance de la population à s’accroître en progression géométrique, pendant que les subsistances ne s’augmentent qu’en progression arithmétique, — ne vaut-il pas mieux, par une sage prévoyance, prévenir la conception que de donner le jour à des êtres condamnés à mourir de faim ?

M. Joseph Garnier cite ses autorités.

En 1832, M. Ch. Dunoyer, aujourd’hui membre de l’Académie des Sciences morales, étant préfet d’Amiens, n’hésitait pas à donner aux classes indigentes de son département le conseil de Malthus.

« Les classes les plus à plaindre de la société, disait-il, ne parviennent à s’affranchir de leur douloureux état qu’à force d’activité, de raison, de prudence, de prudence surtout dans l’union conjugale, et en mettant un soin extrême à éviter de rendre leur mariage plus prolifique que leur industrie. »

Ces paroles furent vivement critiquées par le clergé du diocèse et une partie de la presse parisienne. M. Dunoyer y répondit dans un Mémoire à consulter, Paris, 1835 :

« Il est incroyable, dit-il, que l’action d’appeler des hommes à la vie, celle sans contredit des actions humaines qui tire le plus à conséquence, soit précisément celle qu’on a le moins senti le besoin de régler, ou qu’on a réglée le plus mal. On y a mis, il est vrai, la façon de l’acte civil et du sacrement ; mais, le mariage une fois contracté, on a voulu que ses suites fussent laissées, pour ainsi dire, à la volonté de Dieu. La seule règle prescrite a été qu’il fallait, ou s’abstenir de tout rapprochement, ou ne rien omettre de ce qui pourrait rendre l’union féconde. Tant que des époux peuvent croire qu’ils ne font pas une œuvre vaine, la morale des casuistes ne trouve rien à leur reprocher ; qu’ils se manquent à eux-mêmes, qu’ils abusent l’un de l’autre, qu’ils se dispensent surtout de songer au tiers