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dire qu’autant la spéculation agioteuse, basée sur l’anarchie, est intéressée à entretenir l’incertitude, autant la société est intéressée elle-même à entourer les transactions de toutes les lumières et garanties possibles.

Mais il n’y a pas rien à balancer que des valeurs dans la société ; il faut trouver aussi la balance des forces.

Les forces, en économie, sont de deux espèces.

J’appelle de ce nom, en premier lieu, tout principe d’action, tout mobile animique ou passionnel, toute combinaison de moyens servant à la production et à la multiplication des valeurs. Le travail est une force ; la division du travail ou son groupement est encore une force ; la propriété, la concurrence, l’échange, le crédit, la science appliquée à l’industrie, l’ambition, le luxe même et la rente, dans les limites que nous venons de lui assigner, sont des forces, les véritables forces du monde économique.

Toute force requiert, pour se manifester et agir, un lieu, une matière qui la récèle, d’où elle part comme la foudre part de la nue, la chaleur du soleil, l’attraction du corps grave.

Le foyer des forces économiques proprement dites est dans les forces de la nature, lesquelles deviennent ainsi pour l’économiste une seconde espèce de forces : la terre, la chaleur, l’électricité, l’eau, l’air, la végétation, les affinités chimiques, la vie, etc., capital primitif de l’humanité, instrument de son industrie et matière de sa richesse. L’homme lui-même, dont l’éducation est si longue, l’entretien si coûteux, peut être à son tour considéré comme une force naturelle : en sorte que, selon le point de vue où l’on se place, il participe des deux espèces de forces, et forme la transition qui unit le monde social à l’univers.

D’après ces définitions, la population est une force, une des grandes forces de l’économie.