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serment de 93, Liberté — Égalité — Fraternité, la Révolution sera constituée : elle régnera.

De ce qui précède tirons une double conséquence.

Il y a dans la Révolution quelque chose de fort qui domine les opinions et maîtrise les intérêts, par quoi elle s’impose à ses adversaires et triomphe de toutes les résistances ; — comme aussi il y a quelque chose qui soulève contre elle les préjugés de caste, de parti, d’école, de profession, d’éducation, de communion, et dont la raison des masses n’a pas su encore se défaire.

Ce qui donne vie à la Révolution est un élément positif, expression de la conscience universelle, que la Révolution a pour objet de déterminer et de construire, pour le salut et la gloire de l’humanité : c’est la Justice.

Ce qui rend la Révolution suspecte ne peut être qu’un élément négatif : c’est la négation du principe sur lequel la Justice, qui doit exister par elle-même, s’est appuyée jusqu’à ce jour, principe incompatible avec la donnée révolutionnaire, mais toujours vivant dans les âmes, et dont l’Église est l’organe.

Ainsi, deux puissances se disputent le monde : l’une née d’hier, qui a toute l’âpreté du fruit vert, et ne demande qu’à croître ; l’autre, parvenue à sa maturité, et qui ne s’agite que pour mourir.

Ce qui enraie la vie chez la première est la même chose que ce qui suspend la mort chez l’autre : quelle est cette chose ? Pour le comprendre, sachons d’abord par quelle péripétie l’Église, mère et rivale de la Révolution, est arrivée là.