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taires, traitants, agioteurs, seigneurs, et communiers, mainmortables, serfs ou salariés ?

Le Décalogue avait dit en deux mots : Tu ne tueras pas, tu ne voleras pas. Il appartenait à la théologie chrétienne de rechercher si la servitude, même déguisée sous le nom de salariat, n’était pas une manière indirecte de tuer le corps et l’âme ; si le salariat n’impliquait pas spoliation du travailleur, usurpation à son détriment, par le capitaliste-entrepreneur-propriétaire. La théologie n’a point étendu de ce côté ses recherches : l’idée qui l’inspirait ne le souffrait pas. Elle s’est tenue à la lettre du Décalogue, à la loi servile.

Béranger a chanté, au nom de la Révolution, le Dieu des bonnes gens, et l’on dit que le bon chansonnier s’est épris pour son idole d’une vraie piété. La pratique chrétienne et le témoignage de l’Église démontrent que la théologie, si gracieuse et charitable qu’on la fasse, n’a rien de commun avec la Révolution. Il n’y a pas d’autre dieu que le dieu des aristocrates.

L’Église est incapable, de par sa morale et son droit canon, de marquer les limites du tien et du mien : de là ces étranges solutions des casuistes, dont l’auteur des Provinciales scandalisa le dix-septième siècle, et dont il aurait accusé l’Église tout entière, et non pas les Jésuites, s’il eût été de bonne foi. Pascal philosophe pouvait avoir une notion de la justice et de la propriété ; Pascal chrétien ne le pouvait pas. Il n’avait qu’à jeter les yeux sur la communauté de Port-Royal, écouter ce qui s’y prêchait sur l’indignité de l’homme et l’inégalité des conditions, pour s’en convaincre.

Du reste, et il importe de le rappeler, telle est ici la discipline de l’Église, telle sera celle de toute corporation religieuse.

La religion, quelle qu’elle soit, ayant pour objet de