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du Moniteur, son intention formelle de se conformer à cette loi. Comment l’Église, plus haut placée dans l’opinion des peuples que l’État ; l’Église, que l’ancienne Constituante, en lui retirant ses biens et la soumettant au salaire, avait avertie, de par ces principes de morale vulgaire, de son incapacité de posséder et d’acquérir, serait-elle relevée d’une exclusion d’où dépend l’ordre entier des sociétés ? N’est-il pas évident que, par le seul fait de la centralisation du sacerdoce et par la nature spirituelle de ses fonctions, tout acte de commerce, toute affaire traitée par un ecclésiastique, en dehors des besoins de sa consommation personnelle, est entachée d’abus, sinon de fraude ? Me direz-vous, Monseigneur, par quelle direction d’intention vous justifiez votre pratique quotidienne ?

Quoi ! voici une corporation répandue sur toute la surface de l’Empire, disposant de ressources inconnues, marchant comme un seul homme, et pour laquelle il n’est pas de secrets ; cette corporation est payée pour une fonction, qui lui a été dévolue sans partage, et elle en exerce clandestinement une autre, qui paralyse la nation, qui la dépouille et la met en vasselage ! Au point de vue de la constitution spirituelle de l’Église, qui a reçu, avec les clefs du ciel, le pouvoir de lier et de délier, c’est-à-dire de définir ce qui est bien et ce qui est mal, pas de doute que cette invasion sournoise du clergé dans le domaine séculier ne vous semble une œuvre sainte et glorieuse. Mais au point de vue de la conscience universelle, une pareille conduite est déloyale. Et puisque la fin ne saurait être séparée du moyen, que les deux forment un tout connexe et solidaire, comment voulez-vous que moi qui ne suis d’autre guide que la Raison, sans mélange de révélation aucune, je ne dise pas que votre fin, c’est-à-dire votre Paradis, est un brigandage, et le Dieu que vous servez le Démon ?