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bûcherons. M. le curé, ayant expédié son malade, voulut faire une tournée dans la coupe et compter ses moules : c’est le nom qu’on donne à une pile de bûches, d’environ un mètre cube. Le ciboire l’embarrassant, il le déposa dans un moule, mais avec tant de distraction, que, sa ronde finie, il ne put retrouver l’endroit et remporter le saint-ciboire. Ce ne fut que plusieurs mois après, lorsque le bois fut vendu et qu’on vint pour le charger, qu’on découvrit entre deux bûches les hosties couvertes de moisissure, à moitié dévorées par les fourmis.

Sacrilége à part (cette question ne me regarde pas), trouvez-vous, Monseigneur, ce commerce, et généralement toutes les entreprises auxquelles se livre le clergé, chose loyale ? Le proverbe dit : Chacun son métier, les vaches sont bien gardées. C’est de ce proverbe que la sagesse politique a déduit, en ce qui concerne l’administration et la justice, le principe qui défend le cumul ; en matière électorale, le principe des incompatibilités ; en matière de gouvernement, le principe de la distinction des pouvoirs. Pour ma part, je trouve ce proverbe, bien qu’un peu rustique, aussi beau, aussi sublime, que le fameux Aimez-vous les uns les autres de saint Jean.

Comment l’Église, chargée du service du culte et de l’enseignement de la morale, à cet effet possessionnée par le pays, salariée par l’État, élevée au-dessus de la sphère des intérêts, jouissant par tous ces motifs d’une considération exagérée, d’une confiance imprudente, peut-elle s’immiscer dans les opérations de l’industrie et de l’échange ? C’est un axiome que l’État ne peut ni ne doit par lui-même se charger d’aucune entreprise industrielle, d’aucune spéculation mercantile, intervenir, de près ni de loin, en rien de ce qui concerne la production et la circulation de la richesse. Plus d’une fois, depuis six ans, l’empereur Napoléon III a déclaré, par l’organe