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liturgiques ressortissaient de l’archevêché, s’en était attribué l’exploitation exclusive et la vente. Qu’arriva-t-il ? le prix du catéchisme monta de 20 centimes à 40, où il est encore : soit, pour 100,000 exemplaires au moins qui forment l’importance de la consommation annuelle du diocèse, un produit net de 20,000 fr. au profit de l’archevêché.

Croyez-vous. Monseigneur, que ce que vous avez fait là soit une chose essentiellement juste ? Les économistes nous enseignent tous que certains objets, l’eau, l’air, la lumière, ne sont pas appropriables. Vos prédécesseurs avaient pensé que, la parole divine étant sans comparaison plus précieuse, la vente des livres de prière devait se faire au plus bas prix, sans bénéfice surtout pour l’Église, être conséquemment abandonnée à la libre concurrence. Vous, usant ou abusant de la lettre d’une loi de l’État qui n’y avait pas regardé d’aussi près, vous avez changé le régime de bon marché en un régime de contribution forcée. Vous avez usé de votre droit, si droit il y a, je le veux : droit étroit, jus strictum, droit de propriétaire. Je pourrais demander si une possession qui datait au moins de Mgr de Durfort, c’est-à-dire de plus de deux siècles, ne formait pas contre votre récent monopole une prescription suffisante ; je laisse ce moyen de droit, qui vous fournirait matière à réplique. Aussi bien je ne prétends pas que les 20,000 fr. entrent dans votre pécule. Mais n’est-il pas vrai qu’en faisant payer à vos diocésains, malgré qu’ils en aient, le catéchisme le double de sa valeur, votre pensée est d’affranchir l’Église, comme vous dites, et de reformer ce que vous appelez le patrimoine des pauvres ; qu’ainsi vous poursuivez une œuvre de discipline dont l’objet final, la pensée théologique et transcendante, est de purger, dans l’intérêt de son salut, le peuple chrétien, de l’abomination de la propriété ?