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CHAPITRE III.

Pratique de l’Église depuis son origine jusqu’à la Révolution.

X

En principe, l’inégalité des conditions et la propriété étant, selon l’Église, un effet du péché originel ; la richesse, bonne de sa nature, devenue par l’effet du péché un auxiliaire de la concupiscence ; aucun principe d’équilibre n’existant à cet égard, ni dans la société ni dans les choses, il ne reste pour la gouverne des intérêts que cette alternative : ou d’abandonner la distribution des biens à l’influence des causes fatales, occupation, conquête, confiscation, privilége, donation, concession, hérédité, mainmorte, etc. : c’est la théorie malthusienne ; ou bien d’en faire l’objet d’une discipline : c’est le système catholique.

Cette discipline, nous venons d’en donner la formule : agglomération de la propriété foncière entre les mains du clergé ; administration par les prêtres ; exploitation par les bras de la multitude laïque, devenue partout, à un petit nombre d’exceptions près, fermière de l’Église, salariée ou serve.

L’Église, en agissant de la sorte, non-seulement obéissait à l’esprit du dogme qui lui est propre ; elle suivait son tempérament ecclésiastique.

Quel que soit le dogme, son importance vient beaucoup moins de l’idée qu’il exprime que du sentiment qu’il a pour but de faire naître, et par lequel seul en définitive il peut gouverner la masse : car l’homme ne se gouverne pas par l’esprit, il se gouverne par le cœur.

Or, le sentiment que doit développer le dogme n’est pas la Justice : elle est incompatible avec la transcendance, dont l’hypothèse exclut sa réalité.