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dit chez un peuple bataillard : l’empire fut l’épée de la Révolution, devançant par toute l’Europe le travail de la plume. Là fut sa légitimité, là sera sa signification devant l’histoire. Comme pouvoir, l’empire demeura sans originalité, parce qu’il était, comme la démocratie dont il était sorti, sans intelligence de la Révolution. Était-ce la faute de l’Empereur ? Il eut tout le génie que comportait la pensée nationale, autant d’esprit à lui seul que tout le monde, et peut-être plus de vertu. Quelle ferveur de royauté chez les héros sortis du jacobinisme ! Après les quatre frères Bonaparte, devenus rois, voici encore Bernadotte roi, Murat roi, Eugène Beauharnais vice-roi, et Soult, et Masséna, et l’insensé Junot, qui voulaient aussi être rois ! Duc, prince, ne suffisait à ces fils d’artisans, devenus plus superbes que des Rohan. Et le peuple trouvait cela naturel : Ils l’avaient bien gagné, disait-il. On gagne, suivant lui, une royauté comme une pension. Parlez donc, après cela, de suffrage universel ; dites que le peuple a été trompé, qu’on lui a fait peur !… Ils l’avaient gagné. Vox populi.

Restauration. — Elle s’élève d’abord, par la Charte, au-dessus même de la gloire impériale. La Charte était le retour à la vie révolutionnaire. Mais bientôt la couronne croit s’apercevoir, elle s’aperçoit que la Révolution la conduit là où elle ne veut pas aller ; elle conspire avec l’Église, l’âme de la contre-révolution, et tombe, après avoir fait pulluler sous son aile le jésuitisme, l’éclectisme, le romantisme, le saint-simonisme, le malthusianisme, tout ce que la Révolution, après le sabre, exècre et abomine.