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le voit par l’exemple des patriarches, s’il est même enjoint de l’en remercier, il n’est pas moins vrai, eu égard à l’état de péché où nous vivons ici-bas, que ces biens sont pour nous une occasion permanente de tentation ; que le plus sûr est par conséquent de les mépriser, de savoir s’en passer, de s’en faire, par esprit de mortification, un moyen de salut, d’autant plus que l’insuffisance, l’inégalité et le hasard de leur distribution, démontrent surabondamment que la colère de Dieu pèse sur la nature autant que sur l’humanité.

De là à faire de la richesse le privilége d’un petit nombre d’élus, sauf à leur prêcher à leur tour la charité et le détachement, il n’y a qu’un pas. Nécessité n’a pas de loi, dit le proverbe : puisque la chose ne peut être autrement, elle est juste. C’est le raisonnement que ressassent depuis 30 ans les adversaires, très-mondains d’ailleurs, du socialisme, d’accord sur ce point, sans qu’ils s’en doutent, avec la double théorie de la prévarication originelle et de la grâce.

Tous les docteurs enseignent, en effet, que le paupérisme et l’inégalité sont l’effet du péché originel ; que l’amour de la richesse et de la propriété est de sa nature répréhensible ; qu’il n’y a pas à cela de remède, etc. Sous-entendu que si les hommes étaient sages ils livreraient leurs biens à l’Église, se feraient ses ouvriers, et, nourris, dirigés par elle, ne s’occuperaient plus d’autre chose que de la vie à venir.

« L’homme, dit dom Calmet, a été créé dans une entière liberté, soumis à Dieu seul. Si le péché n’était pas entré dans le monde avec la désobéissance d’Adam, les hommes seraient demeurés dans cette égalité et cette indépendance les uns à l’égard des autres. » (Commentaire sur l’Épitre de saint Paul aux Romains.)

Malebranche s’attache fortement à ce principe, que le