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CHAPITRE II.

Doctrine de l’Église sur la répartition des biens.

V

Partout où il se produit, en dehors des conditions de la science, un principe de mysticisme, les sectateurs de ce principe tendent à se constituer en société indépendante, ou, pour employer le terme consacré, en église.

Cette église a pour objet, d’abord le développement du principe ou du dogme ; puis, conformément au dogme, le gouvernement de la société adhérente, la direction de ses idées, de ses intérêts, de ses mœurs.

Une fois constituée dans son personnel et dans sa propagande, l’Église tend donc à organiser en soi l’administration du temporel à l’image du spirituel ; à substituer en tout et pour tout son autorité dogmatique au droit propre de ses membres, sa collectivité à leur individualité, sa révélation à leur raison, son moi à leur moi. Toute volonté privée doit se soumettre à la volonté de l’Église, subalternisante, absorbante : Qui non audierit Ecclesiam, sit vobis sicut ethnicus et publicanus. Aussi les initiés disent-ils que la religion est ce qui les relie, prenant l’effet de la religion pour la religion elle-même. Ils sont liés, en effet : c’est le propre des idées mystiques de subjuguer l’entendement par la superstition qu’elles inspirent, d’enchaîner la volonté, de réglementer les actes, en calquant la pratique sur la métaphysique ; tandis que la science, qui ne prétend point à l’adoration, en éclairant l’esprit n’ôte rien à sa spontanéité, le laisse libre et indépendant.

On peut vérifier l’exactitude de cette observation sur toutes les sectes mystiques, existantes ou mortes : la règle est sans exception. La distinction du spirituel et du tem-