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qui ne se peuvent définir que par leur mutuelle exclusion ? Par exemple nous avons vu qu’en ce qui touche les personnes, hors de l’égalité point de Justice. Cette loi sévère sera-t-elle maintenue dans la répartition des biens et des produits ? Et si elle n’est pas maintenue, quelle sera la tolérance accordée à l’iniquité ?…

Avant d’aller plus loin, disons-le une fois pour toutes !

En posant la question de droit sur les Biens, comme je l’ai posée précédemment sur les Personnes, comme je la poserai plus tard sur l’État, sur le Travail, sur le Mariage, je ne prétends nullement que la société soit restée jusqu’à ce moment dans une ignorance absolue de la Justice. Depuis quatre ou cinq mille ans la matière juridique n’a cessé d’être agitée parmi les hommes ; à qui ferai-je croire que cet immense débat n’a produit aucune lumière ? Ah ! reconnaissons-le plutôt, si le génie humain a mérité quelque louange, c’est surtout par ses efforts persévérants, souvent heureux, dans la recherche du droit. Nous possédons une magnifique collection de maximes, des formules admirables de précision et d’élégance, de larges et fécondes théories. Les langues, les religions, les littératures, les philosophies, les empires, les nations même ont passé ; la jurisprudence seule a survécu. Elle a fait plus que de survivre, elle s’est constamment améliorée, et il est impossible de méconnaître dans ses variations mêmes le caractère de progrès qui garantit son unité, et partant sa certitude.

Mais il faut convenir aussi que cette unité et cette certitude, nous ne les tenons point encore ; que la contradiction existe dans les actes du législateur autant que dans la pratique du vulgaire, dans les définitions de l’école comme dans les décisions du juge ; que, si les matériaux sont abondants, la construction est peu avancée : en sorte que le jugement juste est chose encore plus rare