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gile, qui le sait, nous enseigne que le paupérisme est indéfectible comme le crime ; que les méchants et les pauvres seront toujours en plus grand nombre, pauci electi. Et c’est afin de combattre le débordement du péché, inhérent à notre nature, et de ses inévitables conséquences, que le Christ est venu sur la terre ; qu’il a prêché le détachement, la résignation, l’humilité, et qu’il a souffert le supplice de la croix, gage des compensations qu’il nous promet dans l’autre vie.

Ceci me parut louche.

Aucune expérience positive, répondais-je, ne démontre que les volontés et les intérêts ne puissent être balancés de telle sorte que la paix, une paix imperturbable, en soit le fruit, et que la richesse devienne la condition générale. Rien ne prouve que le vice et le crime, dont on fait le principe de la misère et de l’antagonisme, n’aient pas précisément leur cause dans cette misère et cet antagonisme, que la doctrine catholique présente comme en étant le châtiment. Toute la question est de trouver un principe d’harmonie, de pondération, d’équilibre.

Or, si, par hypothèse, un tel principe existait, si par conséquent, l’équilibre des forces et des intérêts venant à s’établir, le bien-être devenait général, le vice et le crime diminuant en même proportion que le paupérisme, le christianisme ne serait donc plus vrai ! Pour que le christianisme soit vrai, il faut que la bascule, par suite la misère et le crime, soient éternels. Où suis-je ? et à quels termes viens-je de réduire le système entier de la religion ?… Ainsi le christianisme serait intéressé au maintien du paupérisme et de l’agiotage ; ainsi, bien loin qu’il soit l’ami des pauvres, leur consolateur, leur refuge, il serait leur ennemi ; par contre, bien loin qu’il veuille sincèrement l’extinction du péché, il en aurait besoin, il devrait le protéger, l’aimer !…