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La Justice implique au moins deux termes, unis par le respect commun de leur dignité, divers et rivaux pour tout le reste.

Qu’il me prenne fantaisie de m’adorer : au nom de la Justice je dois pareille adoration à mon prochain, à tous les hommes. Voilà donc autant de dieux que d’adorateurs ; ce qui met la religion à néant, en vertu du principe, Dieu est un ou il n’est pas, Deus unus aut nullus.

Mais ce n’est pas tout : l’homme est un être perfectible, ce qui équivaut à dire toujours imparfait. Il en résulte que le respect que je lui rends ne peut jamais aller jusqu’à l’adoration ; qu’ainsi nous sommes forcément retenus dans la Justice, dont l’exacte définition et la pleine observance met un abîme entre la condition ancienne de l’humanité et la nouvelle.

XXXVI

Cette définition de la Justice est confirmée par toutes les définitions antérieures, incomplètes et partielles, si on les examine séparément, mais reproduisant dans leur ensemble tous les caractères de celle que je propose.


Moïse résume sa loi ; Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toutes tes forces, et ton prochain comme toi-même. Au livre de Tobie on lit le fameux précepte : Ne fais pas aux autres ce que tu ne veux pas qu’ils te fassent ; d’où l’on peut inférer que ce précepte faisait partie de la loi, et en exprimait l’esprit.

Moi et le prochain, voilà bien les deux termes de l’équation ; aimer, voilà la réalité animique. Mais ce n’est que de l’amour, et l’amour ne se commande pas. Comment faire ? À l’amour du prochain Moïse donne pour motif l’amour du Seigneur : ce qui détruit la réalité du droit et fonde la Justice sur le vide.

Le Christ a suivi Moïse : comme lui, il pose en première ligne le précepte de l’amour de Dieu, d’où il déduit l’amour