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caractère de sainteté et de grandeur qu’il n’avait jamais eu, et plaçant en lui le siége de la Justice, exilée de la terre, disait-on, depuis l’âge d’or.

L’humaine nature, en revanche, était d’un consentement unanime jugée coupable : le christianisme reporta sur elle l’infamie qui auparavant déshonorait les dieux. La personnalité était devenue exorbitante : il l’abîma. La société, au lieu de se perfectionner par le développement de ses forces, avait paru rétrograder : il nia la justification par la liberté, suivant la parole du psalmiste : Non justificabitur in conspectu tuo omnis vivens.

Le crime, comme un déluge, inondait la terre : il en entreprit l’expiation.

L’humanité, enfin, s’était déifiée elle-même, dans ses dieux, ses héros, ses empereurs : il l’attacha à la croix en la personne de son Christ.

Oh ! le christianisme est sublime, sublime dans la majesté de son dogme et la chaîne de ses déductions. Jamais pensée plus haute, système plus vaste, ne fut conçu, organisé parmi les hommes. Moi qui n’y vois qu’une création de la conscience universelle, je ne puis m’empêcher de saluer en lui le génie de l’humanité, qui pour le salut d’elle-même s’est imposé cette longue expiation. Et je fais ici serment que, si l’Église parvient à renverser la thèse nouvelle que je lui oppose, et contre laquelle elle ne trouvera pas d’argument dans sa tradition, parce que les ennemis qu’elle a combattus autrefois comme ceux qui l’attaquent aujourd’hui, lui empruntant son principe, devaient être condamnés par les conséquences ; si, dis-je, l’Église remporte contre la Révolution cette victoire, j’abjure ma philosophie et je meurs dans ses bras.

Dans ce dogmatisme effrayant, irrécusable pour quiconque admet l’hypothèse de la transcendance, la morale n’existant qu’en Dieu, c’est-à-dire n’étant rien, que res-