Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« La société est en poussière. Il ne reste que des souvenirs, des regrets, des utopies, des folies, des désespoirs. »

Toutefois le doute sur la Justice, et la démoralisation qu’il traîne à sa suite, n’ajoutant pas sensiblement à la somme des délits et des crimes, l’homme d’État, à qui il suffit du respect extérieur de la loi, n’aurait lieu jusque-là de s’en préoccuper. La statistique à la main, il montrerait que le crime est proportionnel au paupérisme, et cette moralité précieuse que ne soutient plus la conscience, il la demanderait aux combinaisons de la commandite et de l’assurance. À la religion du droit et du devoir succéderait ainsi la religion des intérêts, et tout serait dit. L’ordre maintenu dans la rue, la force restant à la loi, l’homme d’État pourrait se reposer sur son œuvre, et l’on n’aurait plus qu’à répéter le proverbe : Le monde va tout seul.

Malheureusement l’histoire montre que si la sûreté des personnes et des propriétés ne peut être sérieusement atteinte par le doute moral, il n’en est pas de même de la famille et de la société.

Pour former une famille, pour que l’homme et la femme y trouvent la joie et le calme auxquels ils aspirent, sans lesquels, rapprochés par le désir, ils ne seront jamais qu’incomplètement unis, il faut une foi conjugale, j’entends par là une idée de leur mutuelle dignité qui, les élevant au-dessus des sens, les rende l’un à l’autre encore plus sacrés que chers, et leur fasse de leur communauté féconde une religion plus douce que l’amour même. Sans cela le mariage n’est plus qu’une société onéreuse, pleine de dégoûts et