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Et le catholicisme agit en conséquence : son culte est une série de rites expiatoires. N’avons-nous pas encore, en dehors des maisons religieuses où l’œil profane ne pénètre pas, les avents, carêmes, retraites, neuvaines, quatre-temps, rogations, lustrations, indulgences, chapelets, et le bréviaire insipide, et l’épouvantable office des morts ?…

Mais, Monseigneur, vous savez tout cela mieux que moi, et vos mandements font foi que ce n’est pas vous qui laisserez périr le vieil esprit chrétien. Laissons donc la pratique de la vie dévote, et maintenant que nous avons déterminé la raison historique et métaphysique du christianisme, voyons quel en a été l’effet sur les mœurs.

XXIII

Je le reconnais, le zèle déployé par l’Église pour la réparation du péché tant actuel qu’originel était tellement dans l’esprit de l’époque, il répondait si bien à l’accablement des âmes, que l’influence du dogme parut d’abord n’avoir rien que de salutaire, et qu’elle ne pouvait manquer de faire illusion. Les idées changèrent comme les sentiments. On mesura la valeur de l’homme, non plus sur ses qualités sociales et positives, mais sur les rigueurs de sa pénitence, l’intensité de ses expiations. C’est ainsi qu’en jugent les Orientaux avec leurs derviches et leurs fakirs. Aux épreuves de la persécution succédèrent celles de l’érémitisme : quels prodiges de vertu que les Pacôme, les Hilarion, les Sisoès, les Siméon Stylite ! et comme pâlissaient à côté d’eux les héros antiques, les Miltiade, les Aristide, les Cimon, les Agésilas, les Socrate, les Camille, les Cincinnatus, les Fabricius, les Régulus, les Scipion ! D’un commun accord la morale chrétienne fut estimée hors ligne ; sa perfection devint un article de foi, accepté sur parole et sans examen. De temps à autre l’ambition des évêques, les scandales du clergé, soule-