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toutes ses institutions et ses symboles. C’est un instinct universel chez les nations de vouloir que leurs chefs soient entourés de gloire et de puissance : l’honneur rendu au prince semble un gage de la respectabilité du citoyen. Quel honneur attendre pour l’homme et pour la famille, partant quelle justice, dans une Église dont le chef s’intitule serviteur des serviteurs de Dieu, et donne aux princes du temporel à baiser sa pantoufle ?

XXII

Quoi que nous fassions, pensions et disions, en tant qu’il provient de l’humaine nature, le christianisme le répute mauvais, sinon coupable ; ce qui nous échappe de vertueux et d’honnête est l’effet de l’influence divine.

Dans la donnée de la transcendance cette théorie est d’une logique irrésistible ; et ce qui le prouve, c’est qu’elle n’avait pas été absolument inconnue sous le polythéisme. Déjà les dévots avaient su tirer du culte qu’ils rendaient à leurs dieux cette conséquence impie.

« Quelque bonne action que tu fasses, dit Bias dans Diogëne Laërce, sache que c’est un présent des dieux. »

Cicéron parle de même :

« Il faut croire qu’aucun homme de bien n’a été tel que par le secours de Dieu ; et jamais il ne fut de grand homme sans une inspiration du ciel. » (De natura deor., ii, n. 165.)

Il dit ailleurs :

« S’il existe dans le genre humain de l’intelligence, de la vertu, de la bonne foi, de la concorde, elles ne nous viennent que des dieux. » (Ibid., 79.)

On voit par ces citations ce que contenait dans le secret de son principe la Relligio. Cicéron, Bias, Platon, Zénon, autant que Moïse et Isaïe, sont des Pères de l’Église. Les anciens poussèrent la chose beaucoup plus loin : ils attribuèrent aux dieux la découverte des sciences et des arts.